Un secteur soumis à des appels d’offres tendus et à une pression sur les prix

Le monde de la sécurité privée n’échappe pas à la règle : ici, la compétition est féroce, les marges sont sous tension, et les exigences réglementaires ne laissent pas de place à l’amateurisme. Entre les obligations du CNAPS, les spécificités des missions SSIAP, et les attentes croissantes des clients en matière de surveillance humaine ou électronique, le moindre écart peut faire la différence entre remporter un contrat… ou perdre le marché.

Dans ce contexte, la négociation ne se limite pas à discuter d’un tarif horaire ou d’une fréquence de ronde. C’est un exercice stratégique à part entière. Trop souvent sous-estimée, elle est pourtant la clé de voûte de la vente dans le secteur, bien avant les aspects purement techniques. Pourquoi ? Parce que les offres sont nombreuses et que le client souvent un acheteur public ou un gestionnaire multisites est davantage en quête de valeur globale que de détails opérationnels.

Critère Prestataire à bas coût Prestataire à valeur ajoutée
Tarif horaire proposé 16 € HT/heure 20 € HT/heure
Taux de rotation des agents Élevé (agents différents chaque semaine) Faible (équipe stable et fidélisée)
Remplacements en cas d’absence Non garantis ou très lents Garantie H+2, astreinte 24/7
Encadrement / supervision Inexistant ou sporadique Suivi régulier avec rapport hebdomadaire
Formation des agents Formation minimale ou non vérifiée Agents formés SSIAP, gestion des conflits, ERP, IGH
Main courante / outils de traçabilité Carnet papier ou inexistant Main courante électronique, reporting automatisé
Réactivité en cas d’incident Faible, pas de procédure claire Plan d’intervention documenté, responsable joignable H24
Image renvoyée au public Agents peu impliqués, comportement variable Agents professionnels, identifiables, posture maîtrisée
Coût réel pour le client (sur 1 an) Bas initialement, mais impact indirect élevé (remplacements, stress, incidents) Investissement légèrement supérieur, mais ROI global positif

Dans ce contexte, le rôle du responsable commercial ou de l’exploitant est clair : défendre la valeur de sa prestation en montrant que ce qui est proposé dépasse le simple devis chiffré. C’est là que la négociation devient un art : faire comprendre, démontrer, rassurer, sans céder.

Comprendre l’objection : un signal à interpréter, pas un rejet

Trop de professionnels redoutent l’objection comme s’il s’agissait d’un obstacle insurmontable. En réalité, une objection n’est ni un refus, ni un caprice : c’est le signe qu’il y a un intérêt, mais que quelque chose bloque. Et ce “quelque chose” est souvent un besoin mal compris, une peur mal exprimée ou un manque de clarté dans l’offre.

Dans le secteur de la sécurité privée, certaines objections reviennent avec une régularité quasi métronomique. Parmi les plus fréquentes :

  • Le tarif : “Votre prix est trop élevé par rapport à d’autres sociétés.”

  • La fiabilité des agents : “Et si vos agents ne se présentent pas ?”

  • La continuité de service : “Comment assurez-vous les remplacements en cas d’absence ?”

  • La sous-traitance : “Est-ce que ce sont vraiment vos agents ou des prestataires externes ?”

Chacune de ces objections porte un message sous-jacent qu’il faut apprendre à décoder. Le tarif cache souvent une non-perception de la valeur ajoutée, la question de la fiabilité traduit une expérience client passée décevante, et la peur de la sous-traitance évoque un besoin de transparence et de contrôle.

Le rôle du professionnel n’est donc pas de contrer ces objections à coups d’arguments, mais d’écouter, comprendre et répondre avec précision. Cela suppose non seulement de la technique, mais aussi une posture d’écoute active, une connaissance intime de son offre, et une bonne dose de pédagogie.

Négociation & gestion des objections : Le guide pour les entreprises de sécurité privée

Préparer la négociation : un bon devis ne suffit pas

Un bon prix n’est pas une garantie de succès, surtout si l’offre n’est ni comprise, ni adaptée, ni rassurante. La préparation de la négociation est donc une étape déterminante. Elle repose sur trois piliers : la connaissance du client, la maîtrise de son offre, et l’anticipation des objections.

Bien connaître le contexte client et ses enjeux sécuritaires

Chaque client possède son propre écosystème de risques, de contraintes et de priorités. Entre un site industriel Seveso, un centre commercial, une résidence de luxe ou un établissement recevant du public (ERP), les attentes diffèrent profondément. Ce qui compte pour l’un par exemple la prévention incendie dans un IGH peut être marginal pour l’autre qui mettra l’accent sur la dissuasion ou la présence humaine visible.

C’est pourquoi la prise de brief initiale ne doit jamais être survolée. Elle est le moment où le professionnel de la sécurité doit entrer dans une posture d’audit. Poser les bonnes questions dès ce stade est un différenciateur fort :

  • Quels sont les scénarios de risque envisagés par le client ?

  • Quelles failles ou incidents ont été observés récemment ?

  • Y a-t-il eu des changements dans l’usage des lieux, la fréquentation, les menaces perçues ?

Une question simple mais redoutablement efficace :
« Quels incidents ou incidents évités de justesse avez-vous connus ces 12 derniers mois ? »

Cette phrase amène souvent le décideur à révéler des préoccupations concrètes, que l’on pourra ensuite adresser dans l’offre. Ce questionnement approfondi permet aussi de sortir du discours standard et de se positionner comme un expert, pas un simple vendeur de gardiens.

Maîtriser son offre de manière chirurgicale

Négocier, c’est défendre ce que l’on propose. Mais comment défendre ce que l’on ne connaît qu’à moitié ?

La maîtrise parfaite de son offre est la base de toute argumentation crédible. Cela implique non seulement de connaître les prestations classiques (surveillance statique, rondes, filtrage, télésurveillance…), mais surtout de valoriser ce qui fait la différence :

  • Certifications et agréments : CNAPS, carte professionnelle, SSIAP, APS, agrément préfectoral autant de garanties de sérieux à rappeler systématiquement.

  • Procédures internes : plan de continuité d’activité, gestion des remplacements, traçabilité des interventions.

  • Technologies embarquées : badgeuse connectée, application de pointage, vidéosurveillance mobile, géolocalisation des rondes.

C’est aussi le moment de rassurer sur le pilotage de la mission. Par exemple, la présence d’une main courante électronique avec accès client, ou un reporting hebdomadaire automatique, change radicalement la perception de la prestation.

📄 Ressource utile : Législation CNAPS – Obligations des prestataires de sécurité privée

Cette étape est l’occasion de rappeler que la conformité réglementaire n’est pas une option dans ce secteur, mais une obligation qui engage juridiquement le donneur d’ordre. C’est un puissant levier de réassurance.

Anticiper les objections spécifiques au secteur

En matière de sécurité, les objections ne sont jamais anodines. Elles révèlent des peurs légitimes : défaillance humaine, manque de continuité, ou mauvais souvenirs avec des prestataires peu scrupuleux. Les ignorer ou les découvrir en pleine négociation est une erreur fréquente.

Voici quelques objections types, qu’il est judicieux d’anticiper dès la phase de préparation :

« Vos agents vont-ils vraiment rester en poste ? »
Traduction : le client redoute un turnover élevé, donc un manque de stabilité.
Réponse possible : mettre en avant votre politique RH (recrutement rigoureux, fidélisation, encadrement régulier), taux de rotation faible, anciens contrats longs.

« Comment gérez-vous les remplacements en cas d’absence ? »
Traduction : il a déjà connu des trous dans la raquette…
Réponse possible : expliquer vos procédures d’astreinte, votre vivier d’agents formés mobilisables H24, la présence d’un superviseur joignable à tout moment.

« Pourquoi êtes-vous plus chers que mon prestataire actuel ? »
Traduction : la valeur ajoutée n’est pas encore perçue.
Réponse possible : démontrer la différence sur la formation, les outils, la réactivité, la stabilité du personnel, la conformité réglementaire.
Expliquer que le “moins cher” coûte souvent bien plus cher à terme.

L’objectif n’est pas seulement de répondre, mais de préparer des réponses argumentées, illustrées et rassurantes, basées sur des preuves terrain et une posture de partenaire fiable.

Les objections les plus fréquentes en sécurité privée : analyse et réponse

Les objections font partie intégrante du cycle de décision dans les métiers du gardiennage. En tant que prestataire, ne pas les anticiper ou y répondre maladroitement peut être fatal. Mais les comprendre en profondeur, c’est transformer une vulnérabilité commerciale en levier de crédibilité.

Objection sur le prix

« Votre prestation est 15 % plus chère que celle de vos concurrents. »

Cette objection est probablement la plus classique, mais aussi la plus trompeuse. En réalité, ce n’est pas le prix en lui-même qui dérange, c’est la perception d’un manque de valeur.

La réponse ne doit donc pas se limiter à une défense du tarif, mais à une démonstration claire de ce qu’il contient :

  • Une équipe stable et connue du site, ce qui réduit les incidents, les réclamations, les erreurs.

  • Une supervision terrain active, avec points de contrôle, échanges réguliers, rapports détaillés.

  • Des prestations conformes aux exigences légales, avec agents formés, encadrés, équipés.

Tu peux aussi utiliser l’argument du coût global :

“Une entreprise moins chère à l’heure, mais qui ne remplace pas un agent absent ou qui laisse passer une intrusion, vous coûte en réalité bien plus cher à moyen terme.”

Et enfin, différencier sécurité préventive vs. sécurité curative :

“Notre prestation ne se limite pas à être présents. Nous agissons en amont pour éviter l’incident. Et prévenir… coûte moins cher que réparer.”

Objection sur la fiabilité des agents

« Comment être sûr que vos agents seront sérieux, compétents, et à leur poste ? »

Cette question est souvent le fruit d’une expérience malheureuse passée du client : absentéisme, agents mal formés, manque d’implication.

Voici les éléments concrets à valoriser dans la réponse :

  • Processus de recrutement rigoureux avec vérification de l’honorabilité, entretien comportemental, mise en situation.

  • Formation continue adaptée au site (conflits, incendie, accueil, ERP…).

  • Évaluations internes régulières et système de primes à la performance.

  • Mise à disposition d’un superviseur terrain pour encadrer les équipes.

Et surtout, rien ne vaut la preuve sociale :

“Nous avons équipé plus de 35 hôtels 4* et sites logistiques sensibles en 2024, avec un taux de satisfaction supérieur à 94 %.”

Objection sur la réactivité ou la continuité de service

« Et si un agent tombe malade ? »
« Vous intervenez en combien de temps si une urgence survient ? »

Ces objections sont totalement légitimes : la continuité du service est un enjeu vital pour le client.

Voici comment rassurer efficacement :

  • Procédures d’astreinte 24/7 assurées par un encadrant.

  • Application interne de dispatch pour mobiliser rapidement un agent remplaçant.

  • Vivier de personnel en réserve, formé aux sites critiques.

Et surtout, il faut parler chiffres :

“En 2024, 98 % de nos remplacements ont été assurés en moins de 2 heures. C’est une promesse que nous tenons, car notre fonctionnement est organisé autour de cette exigence.”

Ce type de données factuelles inspire confiance et positionne votre entreprise comme un partenaire structuré, pas un prestataire improvisé.

Objection sur la réputation ou la taille de l’entreprise

« Je ne vous connais pas. Est-ce que vous avez la capacité de gérer un site industriel de 20 hectares ? »

Cette objection se présente souvent dans les appels d’offres ou les consultations privées. Il ne s’agit pas ici de remettre en question votre compétence, mais de valider votre crédibilité.

Réponses possibles :

  • Racontez votre histoire : “Nous existons depuis 12 ans, avons ouvert 3 agences régionales et gérons 1 million d’heures de sécurité par an.”

  • Mettez en avant vos références clients : anonymisées si besoin, mais tangibles.

  • Valorisez vos processus de contrôle qualité, de recrutement, de traçabilité.

Type de site Durée de contrat Effectif déployé
Plateforme logistique nationale 36 mois 6 agents H24
Centre commercial 24 mois 4 agents + SSIAP
IGH – Zone urbaine sensible 18 mois 3 agents + rondier mobile

Transformer une objection en levier de closing

Rebondir pour avancer vers la signature

Une objection n’est pas une impasse. C’est souvent une porte entrouverte. L’idée est de la transformer en condition de validation :

“Si je vous démontre que nous avons une astreinte opérationnelle 24/7 avec remplacements H+1, seriez-vous prêt à engager une visite de site avec notre responsable qualité ?”

Cette stratégie permet de reprendre la main et de transformer une inquiétude en point de progression.

Savoir conclure : la double option ou l’appel à l’engagement

Quand le client hésite, lui proposer deux scénarios bien définis aide à débloquer la décision :

  • Option 1 : tarif optimisé mais sans supervision dédiée.

  • Option 2 : suivi renforcé avec rapport hebdomadaire et coordinateur sécurité.

Ou, plus simplement :

“Souhaitez-vous que nous passions à une étude technique sur site ? Cela ne vous engage pas, mais nous permettra d’être précis.”

Un engagement léger vaut mieux qu’une décision repoussée indéfiniment.

Relancer après une objection non levée

Si malgré tout, la décision ne tombe pas, ne laissez pas le silence s’installer. Préparez une relance ciblée :

  • Rappelez l’échange précédent.

  • Reformulez la proposition.

  • Proposez un prochain point clair.

Exemple d’email :
Bonjour M. X, suite à nos échanges du 14 juin, je vous confirme que notre protocole d’astreinte répond à vos exigences. Je vous ai joint une proposition mise à jour. Souhaitez-vous que nous organisions une visite de votre site la semaine prochaine ?

Et si toujours rien ? Un second message, plus assertif, au bout de 7 jours.

Et si l’objection devenait votre meilleur argument ?

La négociation est un exercice de précision. Ce n’est ni un rapport de force, ni une simple formalité commerciale. C’est un art qui exige maîtrise technique, posture confiante, et intelligence émotionnelle.

Adopter une attitude calme face à une objection, c’est montrer au client que vous êtes solide. Y répondre avec méthode, c’est prouver que vous êtes compétent. Et entendre l’émotion derrière la demande, c’est gagner en crédibilité humaine.
Bref, négocier, ce n’est pas convaincre à tout prix : c’est s’aligner sur la réalité du client tout en défendant la valeur de votre solution.

Souvenez-vous que toute objection est une information précieuse. Elle révèle un besoin mal exprimé, une peur non résolue, ou une expérience passée douloureuse. En la traitant avec respect et rigueur, vous ne faites pas que sauver une vente : vous installez la confiance. Et dans notre secteur, la confiance, c’est de l’or en uniforme.

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