Facturer, c’est bien plus qu’envoyer une simple note de frais à ses clients. Dans le secteur de la sécurité privée, c’est même un art à part entière. Pourquoi ? Parce que les prestations ne sont ni standardisées ni toujours prévisibles : un agent de sécurité peut être mobilisé en urgence pour une surveillance temporaire, assurer des rondes de nuit, intervenir lors d’un événement exceptionnel… et chaque heure, chaque situation peut faire varier la facture.

Ce secteur, encadré par le Code de la sécurité intérieure et contrôlé par le CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité), impose des obligations légales et réglementaires bien spécifiques. Mention du numéro d’agrément, justificatif des heures de vacation, gestion des heures de nuit et jours fériés, ou encore contractualisation précise avec le client : la moindre erreur ou omission peut engendrer des sanctions, des retards de paiement voire des litiges juridiques.

Dans un contexte où la transition numérique s’accélère (avec l’obligation prochaine de la facturation électronique pour toutes les entreprises), les dirigeants d’entreprises de sécurité, les auto-entrepreneurs en gardiennage ou les responsables administratifs ont tout intérêt à structurer leur approche de la facturation.

Facturation en sécurité privée : règles, modèles et conseils

Les bases légales de la facturation

Ce que dit la loi française

En France, la facturation est un acte commercial encadré par la loi. Toute entreprise ou indépendant qui vend une prestation de service, comme une société de sécurité privée, est tenue de remettre une facture à son client. Cette obligation s’applique, que vous facturiez un particulier, une entreprise ou une collectivité publique.

L’article L441-9 du Code de commerce précise que la facture doit être émise dès la réalisation de la prestation ou, au plus tard, à la fin du mois où elle a été rendue.

Parmi les mentions obligatoires, on retrouve :

  • La date d’émission de la facture,

  • Le numéro de la facture (numérotation chronologique sans rupture),

  • L’identité de votre entreprise (nom, adresse, SIRET, forme juridique),

  • Les coordonnées du client,

  • Le détail des prestations (quantité, désignation, prix unitaire, taux de TVA),

  • Le montant total HT et TTC,

  • Le taux de TVA applicable ou la mention “TVA non applicable – article 293 B du CGI” si vous êtes en franchise de TVA,

  • Les conditions de règlement (délai, pénalités de retard, indemnité forfaitaire de recouvrement).

Enfin, une facture doit être conservée pendant 10 ans à des fins comptables, tant par l’émetteur que par le client professionnel.

📌 Ressource utile :
Service Public – Obligations de facturation

Ce qui s’applique au secteur de la sécurité privée

Dans le domaine de la sécurité privée, la loi impose des obligations supplémentaires, en lien avec la réglementation spécifique à la profession.

La mention du numéro d’autorisation délivré par le CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité) est obligatoire sur tous les documents commerciaux (devis, contrats, factures). Son absence peut entraîner des sanctions, voire l’invalidation du contrat par l’administration.

🛡 Ensuite, les prestations doivent être clairement identifiées, en distinguant :

  • Surveillance humaine (avec ou sans chien),

  • Rondes de sécurité,

  • Intervention sur alarme,

  • Agent SSIAP (sécurité incendie),

  • Contrôle d’accès…

Chaque type de service doit faire l’objet d’un libellé spécifique sur la facture, avec le nombre d’heures, le taux horaire et les éventuelles majorations.

Certaines prestations impliquant un port d’arme ou un niveau de risque élevé nécessitent aussi de mentionner l’agrément spécifique de l’agent concerné ou de l’entreprise.

N’oublions pas les heures majorées : les heures de nuit (souvent de 21h à 6h), les dimanches et jours fériés doivent faire l’objet de lignes séparées avec leur taux spécifique.

Structurer ses prestations pour mieux facturer

Typologie des prestations dans le gardiennage

Pour facturer de manière juste et transparente, encore faut-il bien structurer ses prestations. Dans le secteur du gardiennage, plusieurs types de contrats coexistent :

Les prestations régulières, souvent contractualisées sur une base mensuelle ou annuelle :

  • Surveillance de sites logistiques ou industriels,

  • Sécurité de magasins ou centres commerciaux,

  • Gardiennage de nuit dans des résidences privées.

Les prestations ponctuelles :

  • Sécurisation d’événements (fête, salon, festival),

  • Missions d’urgence ou de courte durée,

  • Remplacement temporaire d’un agent.

On distingue aussi :

  • La facturation à l’heure (par vacation) : la plus répandue,

  • Le forfait journalier ou mensuel, souvent utilisé pour des postes fixes.

Enfin, certains contrats incluent du matériel fourni par l’entreprise :

  • Talkies-walkies, systèmes de pointage,

  • Véhicule d’intervention,

  • Chien de sécurité (maître-chien).

Chaque élément doit être identifié et valorisé dans la facture pour éviter toute ambiguïté lors du paiement.

Comment établir un devis clair pour une future facture fluide

Tout part du devis. Un devis bien rédigé et signé est la garantie d’une facturation sans accroc.

🔗 Il doit comporter les mêmes mentions que la facture (n° CNAPS, prestations détaillées, TVA, conditions de paiement), mais aussi :

  • Le volume horaire estimé,

  • Le planning prévisionnel ou une annexe,

  • Les conditions particulières (interruption de mission, extension horaire…),

  • Les pénalités en cas d’annulation tardive ou de non-paiement.

Pour les prestations longues ou complexes, le planning validé par le client peut être annexé au devis, et servira ensuite de base à la facture finale.

Modèle de facture à télécharger

Focus : Les particularités de la facturation dans le métier

Dans la sécurité privée, la facturation ne se limite pas à un simple montant horaire multiplié par des heures travaillées. Elle reflète une réalité de terrain complexe, souvent liée à des horaires décalés, des prestations spécifiques, des équipes multiples ou encore des contraintes réglementaires renforcées.

Gestion des heures, majorations et astreintes

⏱ Une gestion du temps au cœur de la rentabilité

Dans les métiers de la surveillance humaine, toutes les heures ne se valent pas. Il faut distinguer :

  • Les heures de jour classiques,

  • Les heures de nuit (souvent majorées de 20 à 30 % selon la convention collective),

  • Les heures les dimanches et jours fériés (jusqu’à +100 %),

  • Les heures supplémentaires (au-delà du contrat de base).

Ces majorations doivent impérativement être prévues dans le contrat et clairement identifiées sur la facture.

La preuve par l’horodatage

Face aux risques de contestation, l’entreprise de sécurité doit pouvoir justifier les heures réalisées :

  • Feuilles de présence signées,

  • Pointage numérique ou par QR code,

  • Rapports journaliers (papier ou numériques),

  • Système de géolocalisation.

La preuve du service fait est également nécessaire en cas de contrôle CNAPS ou de litige client.

Astreintes : une spécificité souvent oubliée

Une astreinte est une période pendant laquelle un agent n’est pas en mission active, mais doit rester disponible pour intervenir.

En facturation :

  • Elle doit être convenue par écrit (dans le contrat ou devis),

  • Et facturée à un taux spécifique (souvent forfaitaire ou horaire réduit).

Il est également possible de facturer séparément l’intervention si elle se produit, avec son propre taux majoré.

Sous-traitance, intérim et co-traitance

Des missions partagées, une facturation encadrée

Dans le gardiennage, certaines prestations sont réalisées par plusieurs entreprises en même temps :

  • Recours à l’intérim pour renforcer les équipes,

  • Sous-traitance ponctuelle (si votre entreprise ne dispose pas des effectifs ou de l’agrément nécessaire),

  • Ou co-traitance dans un marché public ou privé.

Problème courant : qui facture quoi ?

Ce que dit la loi

⚖️ « Une entreprise donneuse d’ordre reste solidairement responsable des obligations sociales de son sous-traitant. »
(Article L.8222-1 du Code du travail)

Cela signifie que si votre sous-traitant fraude (travail dissimulé, absence de déclaration URSSAF, etc.), vous êtes potentiellement responsable. Il est donc essentiel de bien encadrer la sous-traitance.

Les points de vigilance :

  • Contrat clair entre les deux sociétés,

  • Liste nominative des agents intervenants,

  • Vérification de l’agrément CNAPS et assurances.

Facturation en cas de sous-traitance

Deux possibilités :

  1. Chaque société facture directement au client final sa part de la mission → Co-traitance.

  2. Le sous-traitant facture à l’entreprise principale, qui refacture au client final → Sous-traitance classique.

Dans les deux cas, la facture doit mentionner clairement :

  • Le type de prestation réalisée,

  • Le nombre d’heures,

  • Le taux horaire HT,

  • Le numéro CNAPS de l’intervenant ou de l’entreprise.

 Astuce : certaines grandes entreprises exigent, en plus de la facture, un rapport détaillé indiquant le nom de chaque agent, les heures prestées et leur autorisation CNAPS. Anticipez !

Les erreurs à éviter

  • Facturer une prestation que vous n’avez pas réalisée (ex : vous mettez un agent d’une autre société sur le site, mais vous émettez la facture comme si c’était le vôtre).

  • Oublier de faire signer un contrat écrit à votre sous-traitant.

  • Ne pas déclarer votre sous-traitant à votre client final → cela peut être considéré comme du travail dissimulé.

En bref, la facturation dans la sécurité privée ne s’improvise pas. Chaque spécificité (horaire, légale, humaine) doit être prise en compte, tracée et valorisée. Une bonne facture, c’est une facture :

  • Légale,
  • Justifiée,
  • Précise,
  • Défendable en cas de contrôle.
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