Indemnité de rupture conventionnelle dans la sécurité privée : mode d’emploi complet

Agents de sécurité, rondiers, opérateurs de télésurveillance, chefs de site ou encore gérants de petites sociétés de sécurité : vous êtes nombreux à être concernés, un jour ou l’autre, par une rupture conventionnelle. Cette forme de séparation « à l’amiable » entre un employeur et son salarié séduit de plus en plus dans la sécurité privée, un secteur exigeant, physiquement éprouvant et parfois instable au niveau des missions.

Mais au moment de passer à l’acte, une grande question surgit : combien vais-je toucher ?
Et là, attention : le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle ne s’improvise pas, surtout quand les salaires sont composés de primes de nuit, panier-repas, astreintes ou heures supplémentaires… Bref, quand on est loin du CDI de bureau 35h classique !

Indemnité rupture conventionnelle dans la secteur de la sécurité et du gardiennage : bien calculer

Rupture conventionnelle : petit rappel juridique utile

Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ?

La rupture conventionnelle permet à un salarié en CDI et à son employeur de se séparer d’un commun accord. C’est une formule hybride, à mi-chemin entre la démission et le licenciement, et elle a l’avantage de laisser place à la négociation, à la paix sociale… et aux droits au chômage pour le salarié.

Contrairement à un départ volontaire ou à un licenciement, elle implique une procédure spécifique : entretien(s), signature d’une convention, délais de rétractation, homologation par l’administration… Bref, ce n’est pas un simple accord verbal à la machine à café.

Dans la sécurité privée, c’est une solution souvent utilisée :

  • lorsqu’un agent souhaite changer de secteur (souvent après des années de nuits ou d’astreintes) ;

  • lorsque l’entreprise restructure, mais ne souhaite pas passer par la voie du licenciement ;

  • ou encore quand les relations se tendent, mais qu’aucune faute ne justifie une procédure disciplinaire.

Les textes de référence à connaître

Le cadre légal est défini dans le Code du travail, plus précisément dans les articles L1237-11 à L1237-16. Ces articles posent les bases : qui peut y prétendre, comment ça se déroule, et surtout, quelles sont les règles minimales d’indemnisation.

Mais attention : dans la sécurité privée, il faut aussi se référer à la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité (IDCC 1351), qui encadre les spécificités du secteur. Elle ne prévoit pas de règles spécifiques sur l’indemnité de rupture conventionnelle, mais certaines entreprises peuvent avoir des accords internes ou usages plus favorables.

📎 À consulter :

Le calcul de l’indemnité de rupture : les règles générales

Entrons dans le vif du sujet : comment calcule-t-on concrètement le montant que le salarié va percevoir à la fin de la rupture conventionnelle ?
Si l’administration pose un minimum légal, il reste essentiel de comprendre les bases de calcul pour éviter les erreurs, surtout dans des métiers où les rémunérations sont loin d’être linéaires.

Les deux bases de calcul possibles

L’indemnité de rupture conventionnelle est calculée à partir du salaire de référence. Et sur ce point, le salarié comme l’employeur ont intérêt à faire preuve de vigilance.

Deux méthodes sont prévues par le Code du travail :

  • La moyenne des 12 derniers mois de salaire brut précédant la rupture ;

  • Ou la moyenne des 3 derniers mois, si elle est plus avantageuse pour le salarié.

Le choix se fait au bénéfice du salarié.

Dans la sécurité privée, c’est souvent la moyenne des 3 derniers mois qui est plus favorable, surtout lorsqu’un agent a accumulé de nombreuses heures de nuit, des dimanches, voire une prime exceptionnelle en fin de contrat.

Exemple :

  • Un agent de sécurité a perçu :

    • 1 700 € brut mensuel fixe

      • 300 € de primes de nuit

      • 150 € d’heures supplémentaires

Sur 3 mois, la moyenne salariale peut grimper à 2 150 €, contre seulement 1 850 € sur 12 mois. La différence sur l’indemnité se ressent immédiatement.

Conseil pour les employeurs : vérifiez bien les fiches de paie pour éviter une mauvaise foi involontaire.
Conseil pour les salariés : privilégiez la méthode la plus avantageuse et, si besoin, demandez une simulation à un conseiller juridique ou à votre syndicat.

Le minimum légal (et pourquoi ce n’est souvent pas assez)

Le Code du travail fixe une indemnité minimale obligatoire, identique à celle du licenciement (hors faute grave). Voici la règle :

  • 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté, pour les 10 premières années ;

  • 1/3 de mois de salaire par année au-delà de 10 ans.

Cela signifie qu’un agent de sécurité en CDI depuis 8 ans, avec un salaire de référence de 2 000 €, percevra :

8 x (1/4 x 2 000) = 4 000 € brut d’indemnité minimale.

Mais attention : ce n’est qu’un plancher. L’indemnité peut être négociée à la hausse par les deux parties. Et c’est parfois pertinent, notamment :

  • Si l’entreprise souhaite éviter un contentieux prud’homal ;

  • Si le salarié possède une compétence rare ou un poste sensible ;

  • Ou tout simplement si les relations sont bonnes et que la sortie se veut propre et respectueuse.

À noter également : l’indemnité n’est jamais plafonnée par la loi, mais elle ne doit pas être inférieure au montant légal, sous peine d’invalidation par la DREETS (anciennement Direccte) lors de l’homologation.

Et dans la sécurité privée, on applique quoi ?

Contrairement à d’autres conventions collectives (transport, bâtiment, santé…), la convention collective de la sécurité privée (IDCC 1351) ne prévoit aucune majoration spécifique pour les indemnités de rupture conventionnelle.

En clair :

  • Le minimum légal s’applique, sans supplément particulier ;

  • Mais les primes et spécificités du secteur doivent bien être intégrées dans le salaire de référence (primes de nuit, prime de panier, etc.).

Il existe néanmoins des accords d’entreprise ou des usages dans certaines sociétés, notamment pour des fonctions sensibles comme chef de site, agent SSIAP ou opérateur cynophile, qui peuvent conduire à des indemnités supérieures.

Il est donc essentiel de :

  • Consulter les accords collectifs d’entreprise (si vous êtes employeur, ils doivent être à disposition du salarié) ;

  • S’appuyer sur les représentants du personnel ou le CSE pour connaître les pratiques internes.

En complément, vous pouvez consulter le texte complet de la convention collective ici :
Légifrance – Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité (IDCC 1351)

Méthodologie pas-à-pas pour calculer son indemnité

Il est temps de passer à la méthode concrète, pour que chacun puisse faire son propre calcul ou vérifier celui qui lui est proposé.
Voici un guide étape par étape, adapté aux spécificités de la sécurité privée.

Étape 1 : Calculer le salaire de référence

On ne le dira jamais assez : le bon calcul commence par le bon salaire de référence.

Il s’agit du salaire brut moyen, sur :

  • les 12 derniers mois, ou

  • les 3 derniers mois (si plus favorable pour le salarié).

Mais dans la sécurité privée, attention à ne pas oublier :

  • Les primes de nuit (souvent importantes) ;

  • Les dimanches et jours fériés travaillés ;

  • Les heures supplémentaires régulières ;

  • Les primes panier repas si elles sont versées en espèces (pas si elles sont sous forme de tickets ou remboursées).

Exemple de calcul :
Un agent de sécurité a touché, sur les 3 derniers mois :

  • Salaire de base : 1 700 € / mois

  • Primes fixes : 200 €

  • Primes de nuit : 150 €

  • Heures supp : 100 €

  • Panier repas (monétaire) : 50 €

Soit un total mensuel brut moyen de 2 200 €.
Ce sera sa base de référence pour le calcul de l’indemnité.

Étape 2 : Calculer l’indemnité brute de rupture

Une fois le salaire de référence fixé, on applique la formule légale :

  • ¼ de mois par année d’ancienneté, pour les 10 premières années ;

  • ⅓ de mois à partir de la 11e année.

Exemple :
Un salarié avec 6 ans d’ancienneté et un salaire de référence de 2 200 € brut percevra :

6 x (¼ x 2 200) = 3 300 € brut d’indemnité.

Cas d’un salarié avec 13 ans d’ancienneté :

  • 10 ans x (¼ x 2 200) = 5 500 €

  • 3 ans x (⅓ x 2 200) = 2 200 €

Total : 7 700 € brut.

Ce calcul est obligatoire, mais n’est pas exclusif d’une négociation plus généreuse si le contexte s’y prête.

Étape 3 : Cas particuliers fréquents dans la sécurité privée

Voici quelques situations spécifiques au secteur qui peuvent impacter le calcul :

1. Temps partiel ou modulé

  • Si l’agent est passé de 35h à 20h : c’est le dernier contrat qui compte pour le calcul.

  • Si le temps de travail varie d’un mois à l’autre : il faut prendre la moyenne mensuelle effective.

2. Carrière discontinue

  • Missions discontinues, mais même employeur ? L’ancienneté peut être continue si les interruptions sont courtes et justifiées (moins de 6 mois).

3. Arrêt maladie ou accident du travail

  • Les mois d’absence ne comptent pas comme temps travaillé, mais n’interrompent pas l’ancienneté.

  • Le salaire de référence se calcule sur les mois effectivement payés, en écartant ceux non représentatifs.

4. Cas des chefs de site ou SSIAP

  • Souvent bénéficiaires de primes spécifiques (astreintes, astreinte week-end, logement de fonction).

  • Il est indispensable de les intégrer si elles sont régulières et contractualisées.

D. Outils et simulateurs : utiles, mais à manier avec précaution

Il existe de nombreux simulateurs en ligne, comme celui de L-Expert-Comptable ou Factorial. Ces outils peuvent donner un bon ordre de grandeur, mais :

  • Ils ne tiennent pas toujours compte des particularités de la convention sécurité privée ;

  • Ils oublient souvent les primes variables si on ne les renseigne pas correctement ;

  • Ils ne s’adaptent pas aux cas particuliers (maladie, temps partiel, etc.).

Notre conseil : utilisez-les comme point de départ, mais refaites toujours le calcul manuellement ou avec un conseiller RH ou juridique.

Erreurs fréquentes à éviter et conseils de pro

Même avec les meilleures intentions du monde, il est très facile de mal calculer une indemnité de rupture conventionnelle, surtout dans un secteur comme la sécurité privée où les variables de paie sont nombreuses.

Oublier des éléments du salaire dans le calcul

C’est l’erreur la plus courante : ne pas intégrer tous les éléments du salaire brut dans le calcul du salaire de référence.

Ce qu’il faut inclure :

  • Le salaire de base

  • Les primes de nuit

  • Les heures supplémentaires

  • Les majorations pour dimanches et jours fériés

  • Les primes panier (en numéraire)

  • Les éventuelles primes d’astreinte ou d’habillage, si elles sont régulières

Ce qu’il faut exclure :

  • Les remboursements de frais

  • Les avantages en nature (sauf s’ils sont contractualisés)

Exemple : un agent touche tous les mois 150 € de prime de nuit. L’employeur fait le calcul sans ces primes ? Le salarié perd potentiellement plusieurs centaines d’euros sur son indemnité.

Bon réflexe : récupérer les 3 et 12 derniers bulletins de paie, les comparer et identifier les variables régulières.

Mal estimer l’ancienneté

Autre source d’erreur : le décompte de l’ancienneté. Ce point est capital car l’indemnité est calculée par année entière d’ancienneté.

Quelques règles à garder en tête :

  • C’est la date d’entrée dans l’entreprise (et non sur un site client) qui compte.

  • L’ancienneté est continue, même s’il y a eu changement de poste, de site ou de chef.

  • En cas de passage à temps partiel, toute l’ancienneté compte (même si la rémunération baisse).

Cas particulier :
Si le salarié a été embauché en CDD, puis en CDI sans interruption significative, l’ancienneté est comptabilisée à partir du début du CDD.

Conseil pour les deux parties : vérifier la date exacte du premier contrat signé, puis s’assurer qu’elle est bien reprise dans les outils de gestion du personnel ou les bulletins.

Se baser uniquement sur le brut contractuel

Beaucoup d’employeurs prennent uniquement le salaire de base mensuel inscrit sur le contrat de travail. C’est une erreur.

Le salaire de référence doit refléter la rémunération réelle perçue par le salarié, donc :

  • Si l’agent touche tous les mois des heures de nuit, elles doivent entrer dans le calcul.

  • Si des primes sont versées régulièrement depuis 6 mois ou plus, elles sont à inclure.

Ce que dit la jurisprudence : une prime ou une rémunération variable est intégrée au calcul si elle est versée régulièrement et de manière stable (Cass. soc., 18 mars 2009, n°07-43865).

Négliger l’impact fiscal et social de l’indemnité

On l’oublie souvent : l’indemnité de rupture conventionnelle n’est pas intégralement exonérée d’impôt ni de cotisations sociales. Voici un résumé :

  • Jusqu’à un certain plafond, elle est exonérée d’impôt sur le revenu ;

  • Au-delà, elle est partiellement imposable ;

  • Elle peut être soumise à la CSG et la CRDS, même partiellement exonérée.

Ce que cela implique :

  • Le salarié doit anticiper l’impact fiscal sur sa déclaration annuelle.

  • L’employeur doit bien préciser le traitement fiscal sur le bulletin de paie final, pour éviter les litiges.

Conseil malin : faire une simulation avec un comptable ou expert en paie pour connaître le montant net réellement perçu.

Ne pas faire relire la convention de rupture

La convention de rupture conventionnelle est un document juridique à part entière. Mal rédigée, elle peut :

  • être refusée par la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) ;

  • être contestée ultérieurement par l’une des deux parties.

Il est donc essentiel de :

  • Préciser clairement le montant brut de l’indemnité (sans confusion possible) ;

  • Vérifier que les dates sont cohérentes (entretien, signature, homologation) ;

  • Relire le document avec un tiers neutre (représentant du personnel, avocat, expert-comptable…).

Bien calculer, c’est bien négocier

Dans la sécurité privée, où les parcours sont souvent exigeants, les plannings morcelés et les conditions de travail spécifiques, la rupture conventionnelle est devenue une porte de sortie de plus en plus utilisée, tant par les salariés que par les dirigeants. Encore faut-il que cette sortie soit bien préparée.

Calculer son indemnité de rupture conventionnelle, ce n’est pas juste faire une opération comptable. C’est comprendre ses droits, vérifier les chiffres, anticiper les pièges et savoir poser les bonnes questions. C’est aussi, pour un employeur, s’assurer de respecter le cadre légal tout en valorisant la relation de travail jusqu’au bout. Et pour un salarié, c’est l’opportunité de sécuriser sa transition vers un nouveau projet professionnel, sans perdre le fruit de son ancienneté.

Prendre le temps de calculer correctement, c’est déjà commencer à négocier intelligemment. Cela montre qu’on est informé, responsable et capable de défendre ses intérêts sans agressivité. Un bon calcul permet une bonne négociation, une bonne négociation permet une sortie propre, et une sortie propre, c’est souvent le début d’un nouveau départ plus serein, de chaque côté de la table.

Alors que vous soyez agent de sécurité, maître-chien, responsable d’exploitation ou dirigeant d’une PME spécialisée, gardez en tête ceci : dans ce secteur plus que dans d’autres, le flou sur les chiffres ouvre souvent la porte à la frustration. À l’inverse, la clarté, elle, ouvre celle du respect et de la confiance — même quand on se quitte.

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