Dans une entreprise de sécurité privée, chaque jour compte… et les jours fériés comptent double. Littéralement. Pour les dirigeants comme pour les agents, la gestion de ces journées atypiques est un véritable casse-tête : qui travaille, qui ne travaille pas, comment les heures sont-elles comptées, et surtout, comment sont-elles rémunérées ? Les tensions RH ne sont jamais très loin dès qu’un jour férié pointe à l’horizon.

Contrairement à d’autres secteurs plus sédentaires, les entreprises de sécurité doivent composer avec des obligations de continuité : sites industriels, bâtiments publics, événements ou résidences surveillées n’ont pas le luxe de fermer boutique un 14 juillet. Résultat : les plannings se transforment en Rubik’s Cube RH et les règles du Code du travail ne suffisent plus à tout encadrer.

Entre dispositions légales générales, particularismes conventionnels, et interprétations opérationnelles, la rémunération des jours fériés dans la sécurité privée oscille entre complexité juridique et improvisation maîtrisée. Qui a droit à quoi, et surtout à combien ? Plongeons ensemble dans cette zone (pas si) grise.

📌 Extrait de la Convention collective nationale prévention et sécurité (Article 9.05) :
« Lorsqu’un salarié est amené à travailler un jour férié, il bénéficie d’une indemnité équivalente au salaire brut qu’il aurait perçu pour une journée normale de travail. »

Rémunération des jours fériés

Les jours fériés : de quoi parle-t-on exactement ?

Avant de sortir les calculettes RH et les bulletins de paie, encore faut-il savoir précisément de quels jours on parle. Car non, tous les jours fériés ne se valent pas, tant en droits qu’en obligations.

La liste officielle des jours fériés en France

En France, 11 jours fériés sont reconnus par la loi.

  • Le 1er janvier

  • Le lundi de Pâques

  • Le 1er mai

  • Le 8 mai

  • L’Ascension

  • Le lundi de Pentecôte

  • Le 14 juillet

  • L’Assomption (15 août)

  • La Toussaint (1er novembre)

  • Le 11 novembre

  • Le 25 décembre

Mais parmi eux, un seul est sacré du point de vue juridique : le 1er mai. Il est le seul jour férié obligatoirement chômé ET payé pour tous les salariés, sauf si l’activité ne peut être interrompue (ce qui est souvent le cas dans la sécurité…).

Jour férié chômé ou travaillé : deux réalités différentes

Dans le langage RH, on distingue clairement deux types de jours fériés :

  • Un jour férié chômé (non travaillé) ouvre droit au maintien de salaire, sous certaines conditions (ancienneté, présence les jours précédents/suivants…).

  • Un jour férié travaillé, quant à lui, doit être majoré ou donner lieu à un repos compensateur équivalent. Et c’est là que la convention collective du secteur entre en jeu, car le Code du travail ne prévoit rien par défaut — sauf pour le 1er mai.

Le flou commence ici : qu’est-ce que l’entreprise applique concrètement ? Qu’est-ce que l’agent est en droit d’attendre ? La suite du dossier répond point par point.

📊 Tableau comparatif – Jours fériés dans la sécurité privée :

Situation Statut Droit de l’agent
Jour férié chômé (hors 1er mai) Présent dans l’entreprise depuis 3 mois Maintien de salaire
Jour férié travaillé (hors 1er mai) Agent en poste sur site sensible Rémunération +100 % ou repos compensateur
1er mai travaillé Exception Rémunération doublée, obligatoire
1er mai chômé Tous salariés Maintien de salaire, obligatoire

Ce que dit le Code du travail

Le Code du travail constitue la première brique juridique sur laquelle repose la question des jours fériés. Mais dans un secteur comme la sécurité privée, où les réalités du terrain imposent leurs propres contraintes, cette brique est parfois un peu… friable.

Le droit commun : une base minimale

Selon l’article L3133-3 du Code du travail, lorsqu’un jour férié est chômé dans l’entreprise, le salarié peut bénéficier du maintien de sa rémunération, à condition d’avoir au moins 3 mois d’ancienneté. Cette règle s’applique à tous les jours fériés légaux, sauf au 1er mai qui, lui, échappe aux conditions d’ancienneté.

C’est justement ce 1er mai qui constitue l’exception dorée du Code : il est obligatoirement chômé et payé, sauf pour les activités qui, par nature, ne peuvent s’interrompre (agents de sécurité, services hospitaliers, transports publics…). Lorsqu’il est travaillé, il doit obligatoirement être payé double, sans condition d’ancienneté ni possibilité de récupération.

Mais pour les 10 autres jours fériés, la loi ne prévoit aucune majoration automatique. L’entreprise est libre de les rémunérer comme elle l’entend… sauf si une convention collective en dispose autrement. Spoiler : c’est le cas ici.

Les limites du droit commun pour la sécurité privée

Dans un univers où les postes tournent 24h/24 et 7j/7, s’appuyer uniquement sur le Code du travail revient un peu à vouloir sécuriser un site sensible avec un extincteur d’appoint. La continuité de service est la norme, non l’exception. Résultat : les agents sont régulièrement sollicités pour travailler les jours fériés, et les entreprises doivent jongler entre obligation de mission et respect du droit social.

Dans ce contexte, il devient essentiel de s’appuyer sur la Convention collective nationale de la prévention et de la sécurité (IDCC 1351), qui fixe des règles bien plus précises, adaptées aux réalités du terrain.

Le Code du travail pose le cadre, mais la Convention collective donne le mode d’emploi.

Zoom sur la Convention collective de la sécurité privée

C’est dans ce texte que tout devient clair (ou presque). La Convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité (IDCC 1351) est l’instrument de référence pour toute entreprise de sécurité privée, qu’il s’agisse de surveillance humaine, de gardiennage ou d’intervention mobile. Elle précise de façon détaillée les règles spécifiques applicables aux jours fériés, souvent bien plus protectrices que le Code du travail… mais aussi plus exigeantes pour les employeurs.

Article 9.05 et accord du 2 novembre 1988 : les piliers du dispositif

L’article 9.05 de la convention est sans ambiguïté. Il garantit au salarié le maintien de sa rémunération lorsqu’il ne travaille pas un jour férié, sous réserve de remplir les conditions habituelles d’ancienneté et de présence.

Mais surtout, il pose un principe fort pour les jours fériés travaillés : le versement d’une indemnité égale au salaire brut journalier.

📌 Accord du 2 novembre 1988 – Extrait :
« En cas de travail un jour férié, les salariés percevront, en plus de leur salaire normal, une indemnité égale au montant du salaire qu’ils auraient perçu pour une journée normale de travail. »

Ce dispositif revient donc à une rémunération double, même en dehors du 1er mai. Et contrairement à une prime optionnelle, il s’agit d’un droit conventionnel opposable : aucune entreprise relevant de l’IDCC 1351 ne peut s’y soustraire.

Majoration ou récupération : un choix (mais pas les deux)

Le texte prévoit également que l’entreprise peut substituer cette majoration par un repos compensateur. Autrement dit, si un agent travaille le 14 juillet, son employeur peut décider :

  • soit de lui verser l’indemnité de +100 % (donc une double paie pour la journée),

  • soit de lui accorder un repos équivalent (même nombre d’heures que celles effectuées ce jour-là).

⚠️ Ce choix appartient exclusivement à l’employeur, non au salarié. En revanche, il est impératif de ne pas cumuler les deux : il n’est pas possible (ni légal) de payer double et d’offrir une journée de récupération. Ce serait peut-être généreux… mais ce ne serait pas conforme.

Une convention adaptée aux réalités du terrain

Ce dispositif conventionnel n’est pas le fruit du hasard. Il est pensé pour épouser les contraintes spécifiques du secteur, marqué par :

  • des horaires décalés,

  • un taux d’occupation élevé en soirs, week-ends et jours fériés,

  • la nécessité d’assurer une continuité de service sur des sites sensibles ou stratégiques.

Dans ce contexte, les jours fériés sont rarement synonymes de repos collectif. Bien au contraire, ils exigent une planification rigoureuse, souvent accompagnée d’une gestion fine des effectifs.

Les dirigeants et responsables d’exploitation doivent donc :

  • anticiper les besoins en personnel pour les jours fériés (renforts, remplacements, roulements),

  • gérer les équilibres d’équipe pour éviter que toujours les mêmes agents soient réquisitionnés,

  • documenter et tracer les récupérations ou les paiements de majoration afin d’éviter tout litige ultérieur.

Ce que cela implique concrètement pour les entreprises de sécurité

Les règles, c’est bien. Les appliquer sans se brûler les ailes RH, c’est encore mieux. Une fois les textes digérés, les dirigeants doivent composer avec la réalité de la paie, des plannings et des contrats. Et là, les subtilités deviennent des nœuds (parfois gordiens) à trancher avec méthode.

Calcul de la rémunération des jours fériés : quelques cas concrets

Prenons un exemple simple mais fréquent :
Un agent de sécurité rémunéré 11 €/heure effectue un service de 10 heures un 15 août.

  • Rémunération standard : 11 € × 10 h = 110 €

  • Indemnité jour férié (convention) : +110 €

  • Total brut versé : 220 €

Maintenant, imaginons que le même agent soit au repos ce jour-là, mais que le jour férié tombe sur sa journée de travail habituelle. Si les conditions d’ancienneté sont remplies, il bénéficie du maintien de sa rémunération pour cette journée (soit 110 €, sans aucune retenue). À noter : si le jour férié coïncide avec un jour habituellement non travaillé (ex. dimanche pour un agent à mi-temps du lundi au vendredi), aucun droit au maintien n’existe.

Temps partiel, modulation : prudence requise

Les agents sous contrat à temps partiel ou en modulation posent un autre défi. Dans ces cas-là :

  • Le maintien du salaire pour les jours fériés s’applique au prorata du temps de travail prévu.

  • Il faut que le jour férié tombe sur un jour normalement travaillé, sinon aucune compensation n’est due.

Cela suppose une rigueur absolue dans la gestion du planning prévisionnel. Un flou dans les plannings peut vite se traduire en contentieux, notamment si l’employeur ne peut prouver qu’un jour férié ne coïncidait pas avec une journée théorique de travail.

Anticiper, planifier, apaiser

La clef, c’est l’anticipation. En période de jours fériés à répétition (mai, décembre…), il est judicieux d’informer les agents :

  • de leur éventuelle mobilisation,

  • de la compensation prévue (paiement ou repos),

  • des possibilités de volontariat, ou à défaut, des rotations équitables.

Une politique RH claire permet d’éviter les crispations, notamment si l’on s’assure que ce ne sont pas toujours les mêmes qui « se sacrifient » sur les jours sensibles. La rotation des affectations ou le tirage au sort, combinés à un logiciel de gestion des plannings, peuvent faire des miracles.

Et vous, où en êtes-vous avec vos jours fériés ?

En matière de jours fériés dans la sécurité privée, tout travail mérite double salaire… ou repos bien mérité. C’est le principe posé par la convention collective : un jour férié travaillé donne droit à une compensation équivalente à 100 % du salaire journalier brut. Et si ce jour est chômé, le salarié ne doit pas en pâtir, à condition de remplir les critères d’ancienneté.

Pour les entreprises, le sujet dépasse largement la simple question comptable. Une gestion rigoureuse et équitable des jours fériés est un levier de professionnalisation, de fidélisation des agents et d’apaisement social. À l’inverse, l’approximation ou l’oubli peuvent coûter cher, juridiquement et humainement.

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